By Donatien Dibwe dia Mwembu, History Professor, University of Lubumbashi, President of the Mémoires de Lubumbashi project, member of the” Comparing the Copperbelt” advisory board.
The problem of wages paid to workers has always been topical and is particularly acute in the Democratic Republic of Congo, especially at times of high inflation. While prices take the elevator, it is said, wages take the stairs. The “household basket” empties as the purchasing power of the workers decreases.
But how do we explain the way in which the salaries of African workers of the Union Minière du Haut-Katanga company evolved between 1910 and 1960? Unsurprisingly, the salary of the black worker was far lower than that of his European colleague. One c. 1910 Union Minière pamphlet states: “A boy [i.e. an African worker] costs 12 francs a month and a white man can live here with 12 francs a day, all inclusive except for drinks“. Neither did the ratio of average wages between African and European workers equalise over time: it was 1:26 in 1910, 1:65 in 1950, 1: 40 in 1954 and 1:33 in 1958.
These glaring gaps are explained (Joye and Lewin, 1961:177) not by the skill or productivity of workers but – in the government’s wage policy – by a skewed and racialised assessment of the needs of black workers. Kazadi N’douba wa Dile (1973: 61) notes that “the whole history of the colonial wage policy is dominated by a significant discrimination between native workers and expatriate workers of European origin, and by the very widespread practice of low wages allocated to the former.” The African salary was considered ‘pocket money’ since the company not only fed its workforce, but also dressed, housed, cared for his family and educated his children.
Despite Africans being the vast majority of the UMHK workforce, their cash wages during this period accounted for less than 50% of all labour costs. The average cost however rose because of the company’s policy of stabilising its African labour force, but also because of the company’s rising prosperity and production levels: despite brief fluctuations due to the global depression, the value of UMHK rose from 76 million Belgian francs in 1921 to 176.4 million Belgian francs in 1926. Copper production rose from 30,500 tons in 1921 to 139,000 tons in 1930 (Dibwe, 2001: 21). The cost of “other’ non-cash items included housing costs, tuition, medical care, recruitment and repatriation, equipment for labour camps, etc. The quality of food rations was always seen as of particular importance since, it was believed, it was vital in increasing the efficiency of African workers. Food costs rose in real terms as the quality and quantity of food provided to workers and their families improved, but also due to the rise in food prices.
The cash salary meanwhile increased as a proportion of the total, from 16.05% in 1920 to 46% in 1959. Nonetheless, until the late 1940s the cash wage did not allow the worker to meet all his basic needs. “For a half-century or so, manpower was granted wages which the highest authority of the colony was to officially term in 1937 as “famine wages ” (Joye & Lewin, 1961: 177). Inadequate wages were not only one of the causes of many desertions from the labor camps, but also the major strike in December 1941.
From the 1950s, workers’ pay improved significantly, leading to a significant rise in the standard of living of Africans in urban centres. Jean Stengers (1989: 189) notes that from 1950 to 1957, African consumption levels increased by 76%. All workers interviewed agreed on the relatively good standard of living during the 1950s.
At the start of the 1950s, UMHK decided to gradually convert all in-kind payments into cash wages, and progressively converted payment in kind to payments in cash (rations, housing, clothing of the workers, wives and children). Workers’ cash wages accordingly increased substantially in the 1950s. The wage index rose from 100 in 1950 to 237.50 in 1958 compared with 1950. Purchasing power during this period accordingly rose by 198%. The expression “kazi ndjo baba, ndjo mama” (work, it is my father, it is my mother) showed the sympathy that the worker felt towards their rewarding salaried work.
More widely, the economy of the Belgian Congo in general and UMHK in particular experienced vigorous growth from the end of the Second World War onwards. But the improvement of living standards and working conditions of the company was the result of both the pressure exerted by the colonial government and the claims advanced by African workers through their union. It was also in the interests of UMHK to “tame” its workers in order to extract higher productivity from them.
Problématique de la rémunération à l’Union Minière du Haut-Katanga (1910-1960)
Par Donatien Dibwe dia Mwembu, professeur d’histoire à l’Université de Lubumbashi, directeur du projet Mémoires de Lubumbashi, membre du comité consultatif du projet « Comparing the Copperbelt ».
Le problème de salaire payé aux travailleurs a toujours été d’actualité et se pose avec acuité en République démocratique du Congo, actuellement frappée par une forte inflation. Alors que les prix prennent l’ascenseur, dit-on, les salaires empruntent l’escalier. Le panier de la ménagère se vide au fur et à mesure de la diminution du pouvoir d’achat des travailleurs.
Comment expliquer, dès lors, l’évolution du salaire des travailleurs de l’Union Minière du Haut-Katanga entre 1910 et 1960 ? Sans surprise, le salaire du travailleur noir a été de loin inférieur à celui de son collègue européen. Une brochure de l’Union Minière de 1910 explique ainsi « Un boy coûte 12 francs par mois et un Blanc peut vivre ici avec 12 francs par jour, tout compris sauf la boisson ». De plus, le rapport entre le salaire moyen d’un Européen et d’un Africain ne s’égalise pas au fil du temps, allant de 1 à 26 en 1910 vers 1 à 65 en 1950, 1 à 40 en 1954 et 1 à 33 en 1958.
Ces écarts flagrants trouvent leur explication (Joye and Lewin, 1961 : 177) non pas par qualification ou par la productivité des travailleurs, mais par la politique salariale du gouvernement fondée sur une évaluation faussée et racialisée des besoins des travailleurs noirs. Kazadi N’douba wa Dile (1973 :61) note que « toute l’histoire de la politique salariale coloniale est dominée par une discrimination notable entre les travailleurs autochtones et les travailleurs expatriés d’origine européenne, et par la pratique très généralisée de bas salaires alloués aux premiers ». Le salaire des Africains est considéré comme de l’argent de poche puisque l’entreprise nourrit, loge, soigne et habille sa main d’œuvre, et prend en charge la scolarité de ses enfants.
Bien que la main d’œuvre de l’UMHK est en grande majorité africaine, sa masse salariale recouvre moins de la moitié de l’ensemble des coûts du travail. Son coût moyen augmente néanmoins au fil du temps, résultant à la fois de la politique de stabilisation de la main d’œuvre et de l’augmentation conjointe de la prospérité et du niveau de production de l’entreprise. Malgré de brèves fluctuations dues à la Grande Dépression, la valeur de l’UMHK passe de 76 millions à 176,4 millions de francs belges entre 1921 et 1926. Entre 1921 et 1930, sa production de cuivre passe de 30 500 à 139 000 tonnes (Dibwe, 2001 : 21). Le coût des éléments non-monétaires inclut les frais de logement, les soins médicaux, le recrutement et le rapatriement, l’équipement des camps de travailleurs,… . La ration alimentaire revêt une importance particulière dans la mesure où, croyait-on, elle devait augmenter l’efficience des travailleurs africains. L’augmentation de son prix n’est pas seulement due à l’amélioration de la qualité et de la quantité de la nourriture fournie aux travailleurs et à leurs familles, mais aussi à la hausse de prix des denrées.
Le salaire en espèces voit sa proportion passer de 16,05% en 1920 à 46% en 1959. Jusqu’à la fin des années 1940, le salaire en espèces ne permettait pas au travailleur de satisfaire tous ses besoins élémentaires. « La main-d’œuvre s’est vue octroyer, pendant un demi-siècle environ, des rémunérations que la plus haute autorité de la Colonie devait qualifier officiellement, en 1937, de « salaires de famines ». L’insuffisance du salaire fut non seulement une des causes de nombreux cas de désertions enregistrés dans les camps de travailleurs, mais aussi la cause du déclenchement par les travailleurs de la grève en décembre 1941.
A partir des années 1950, le salaire des travailleurs connait une augmentation sensible, menant à une amélioration claire des standards de vie pour les Africains des centres urbains. Jean Stengers, note que de 1950 à 1957, la « consommation indigène », représentant l’ensemble des dépenses de consommation des Africains, avait augmenté de 76%, passant de l’indice 100 à l’indice 176. ». Tous les travailleurs interviewés s’accordent sur le niveau de vie relativement appréciable au cours des années 1950.
Au début des années 1950, les dirigeants de l’Union Minière du Haut-Katanga décidèrent de donner toute la rémunération en espèces, c’est-à-dire convertir progressivement le salaire en nature (ration alimentaire, logement, habillement des travailleurs, de leurs épouses et enfants) en salaire en espèces. Cette politique devait se faire par étape et par catégorie socioprofessionnelle. Les salaires des travailleurs ont connu une augmentation substantielle au cours des années 1950. L’indice des salaires était de 237,50 en 1958 par rapport à l’année 1950. Au cours de la même période, l’indice des prix est passé de 100 en 1950 à 120 en 1958. Cette situation a entraîné l’augmentation du pouvoir d’achat des travailleurs (198%). L’expression « kazi ndjo baba, ndjo mama » (le travail, c’est mon père, c’est ma mère) a témoigné de la sympathie que le travailleur éprouvait à l’égard du travail salarié valorisant.
En fait, l’économie du Congo belge en général et de l’UMHK en particulier avait connu un vigoureux essor à la fin de la seconde guerre mondiale. Mais, l’amélioration des conditions de vie et de travail au sein de l’UMHK a été le résultat à la fois des pressions exercées par le gouvernement colonial et des réclamations des travailleurs africains à travers leur syndicat. Il était aussi dans l’intérêt de l’Union Minière elle-même d'”apprivoiser” ses travailleurs en vue d’attendre d’eux des rendements meilleurs.